A travers la Russie avec Kim Jong-Il (2)

Le train blindé de Kim Jong-Il – un cadeau de Staline

Les journalistes ont écrit que le train du leader de la Corée du Nord avait été construit au Japon. C’est faux. Le wagon dans lequel nous nous sommes régulièrement rencontrés a été offert au premier dirigeant de la République démocratique populaire de Corée, Kim Il-sung, par le généralissime I.V. Staline. Il est tout à fait possible que par la suite les wagons aient été modernisés au Japon, mais leur origine est entièrement soviétique.

Dans leurs articles sur la visite du leader de la Corée du Nord en Russie, tous les correspondants ont écrit que tous les wagons du train de Kim Jong-Il étaient blindés. C’est faux. Les wagons sont tout à fait ordinaires, m’ont affirmé des spécialistes. Il n’y a que le plancher du wagon d’état-major qui soit blindé. Il est possible que les journalistes aient été induits en erreur par le toit trapézoïdal, munis de petites meurtrières de ce wagon. Il s’agissait en fait d’un groupe électrogène, mais la forme très inhabituelle du toit pouvait effectivement donner à penser que le wagon était blindé.

Pendant tout le voyage du leader nord-coréen en Russie, les voies du transsibérien et d’autres lignes des chemins de fer russes ont été soumises à un contrôle strict. Le président russe avait envoyé ses meilleurs spécialistes de la sécurité. Ces gars occupaient deux wagons. Ils étaient une cinquantaine – des tireurs d’élite en tenue de combat. A chaque arrêt ils prenaient position sur les quais des gares, les toits des wagons, les toits de divers bâtiments, les ponts et montraient qu’ils étaient prêts, à tout moment, à défendre celui qu’ils étaient chargés de protéger.

Un autre groupe de sécurité demeurait invisible. Les gars de cette équipe-la étaient habillés en civil et seuls quelques fonctionnaires russes étaient au courant de leur fonction. Kim Jong-Il avait sa propre sécurité mais ses gardes du corps avaient plutôt le statut d’aides de camp ou d’assistants. Selon les règles internationales, lors des visites de hauts responsables gouvernementaux la partie qui reçoit est entièrement responsable de leur sécurité.

Le train de Kim Jong-Il était précédé d’une locomotive qui le devançait de 7 minutes. Cette locomotive était chargée, en cas de besoin, de signaler d’éventuels obstacles voire, dans des cas extrêmes, de les écarter par ses propres moyens. Dans des situations exceptionnelles nous avions 7 minutes pour arrêter le train et éviter les ennuis.

J’occupais le wagon de tête qui était équipé de moyens de communication. Dans les six autres wagons russes voyageaient des fonctionnaires de divers ministères, les personnels de sécurité, les techniciens des communications, etc.

Le train de Kim Jong-Il comprenait ses appartements, le wagon des discussions, le wagon-restaurant, le wagon des automobiles avec deux Mercedes blindées. Les autres wagons étaient occupés par les accompagnateurs : une jeune-femme charmante attirait les regards. C’était une conseillère de Kim Jong-Il qui assistait à tous nos entretiens.

On pourrait parler longtemps du design intérieur du train coréen. Tout y était raffiné, de bon goût et très confortable. Dans le wagon des discussions il y avait deux grands écrans plats. L’un était utilisé pour passer des films, l’autre montrait en permanence une carte de l’itinéraire du train en temps réel avec des indications sur la température extérieure et des données économiques sur les régions traversées. Ainsi lorsque nous avons traversé la région de Irkoutsk on a pu lire sur cet écran, en russe et en coréen, les noms du gouverneur, du président de l’Assemblée législative et des autres dirigeants et même des données économiques, en particulier sur l’élevage, dans cette région.

Les ordinateurs nord-coréens disposaient de données à jour et certaines devinrent nos thèmes de discussions. Le leader nord-coréen revenait souvent sur des thèmes précédemment évoqués et précisait certains détails. On sentait qu’il analysait mes informations. L’interprète du côté russe était chargé du verbatim des discussions. J’ignore comme elles étaient retranscrites côté coréen. Après chaque rencontre j’étudiais le verbatim afin de pouvoir, la fois suivante, fournir des informations plus précises.

Les Coréens disposaient d’une liaison satellitaire dans tous leurs wagons et d’ordinateurs en réseau. A la différence de nos wagons standards, divisés en neuf compartiments , dans chaque wagon coréen il y avait cinq compartiments individuels et nos hôtes disposaient donc d’un confort supérieur au notre. Quand j’ai accompagné le président russe en train jusqu’à Tomsk même ce train présidentiel n’était pas aussi confortable. Le wagon spécial attribué à notre état-major appartenait au directeur des chemins de fer de l’Extrême-Orient russe. Il disposait d’un bureau, de deux compartiments et d’une petite cuisine. J’occupais un compartiment et la sécurité était installée dans l’autre. La douche de notre wagon ne distillait qu’un mince filet d’eau. Mes assistants faisaient chauffer des sceaux d’eau dans la cuisine et y faisaient leur toilette. J’ignore comment fonctionnait les bains dans le compartiment des personnels russes de sécurité et je n’en sais pas plus sur les ablutions des Coréens.

Pendant le voyage les services secrets russes et coréens travaillèrent en étroite coopération. Dans le soufflet entre les wagons russes et coréens il y avait une sentinelle et un traducteur de chaque côté. On y installa un moyen de communication afin que nous puissions avec Kim Jong-Il nous mettre d’accord sur nos rencontres, les mesures à prendre, l’échange d’informations. J’avais également la possibilité de contacter les techniciens de notre locomotive. La frontière entre les deux ensembles russe et coréen était constituée par le wagon où était installé le groupe électrogène qui lors des arrêts, fournissait de l’électricité à la partie coréenne tandis que nous n’avions plus de courant. Aux arrêts, la chaleur était difficilement supportable. Mais heureusement ils ne duraient pas, juste le temps de remplir les citernes d’eau ou des changer de conducteur et à nouveau en route pour Moscou !

Chapitre suivant : Où est né le leader de la Corée du Nord ?

 

 

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