Revisitant un passé récent, le président du Galuport s’est plaint tout à coup que son ancien Premier ministre ne l’ait pas averti des mesures qu’il allait prendre pour sortir le pays d’une situation économique désastreuse qui reste, un an plus tard, toujours aussi catastrophique.
Le président Amilcar reproche à Platon, ex-Premier-ministre et ex-chef du Pééch, de ne pas l’avoir prévenu qu’il allait présenter au parlement un nouveau plan d’austérité pour éviter que le pays ne sombre dans la faillite. Rejeté par les députés, ce malheureux plan a abouti à la convocation d’élections législatives anticipées qui ont balayé Platon et son Pééch.
Revenant un an après sur ce triste épisode, Amilcar a estimé que Platon avait fait preuve d’un «manque de loyauté institutionnelle qui restera enregistré dans notre histoire». Par sa faute, a-t-il ajouté, « je n’ai pas pu exercer mon influence et éviter le déclenchement d’une crise politique ».
Apparemment il n’était pas très au courant de ce qui se passait dans son pays le président du Galuport.
Il est possible que Platon n’ait pas informé Amilcar dans le détail de tout ce qu’il mijotait mais avait-il vraiment à le faire ? Au Galuport le président n’a qu’un rôle protocolaire et en plus les deux hommes ne sont pas du même parti : le président est de droite et Platon de gauche. On a un peu de mal à croire qu’Amilcar n’ait compté que sur Platon pour être informé alors que la situation était connue de tous. Tout le monde savait très bien que le pays battait sérieusement de l’aile et la fameuse « crise politique » qui semble avoir surpris Amilcar couvait en fait depuis longtemps. Le plan de Platon, pudiquement baptisé « plan de stabilité et croissance », était en fait le quatrième du genre, une nouvelle tentative désespérée pour éviter de demander des sous à la GUTC (La Grande Union Toujours en Construction) et à l’OMPGI (Organisme Mondial de Prêt à Gros Intérêts). Une aide que Platon a finalement été contraint de réclamer avec pour dommage collatéral de permettre à la GUTC à l’OMPGI et à la BUTC (Banque de l’Union Toujours en Construction) de former une redoutable « Triplette » qui vient régulièrement mettre son nez dans les comptes du Galuport et lui dicter ce qu’il doit faire.
Et d’ailleurs, pourquoi diable la regrette-t-il cette « crise politique », le président du Galuport ? On se le demande. Platon est parti, il vit même à l’étranger et Leliévre, du Pééchdé auquel appartient aussi le président, a pris sa place. Alors, de quoi se plaint-il le président ? Et pourquoi s’en prend-il si fort, au bout d’un an, à son ancien Premier-ministre ?
Au Galuport, personne ne comprend très bien quelle mouche a piqué le président et ses déclarations font des grosses vagues. « Je ne peux pas le croire ! », s’est écrié Lasureté, le successeur de Platon à la tête du Pééch. “Ces déclarations n’ont pas de sens… elles vont introduire des clivages dans la société galuportaise !», a-t-il ajouté en roulant de gros yeux horrifiés. Horrifiés et étonnés. Comme si Amilcar avait fait exprès pour qu’il se fâche. Parce qu’il le sait bien Amilcar que Platon est à l’étranger et que si quelqu’un doit répondre au nom du Pééch c’est Lasureté. Or, contrairement à Platon, Lasureté est bon comme du bon pain, doux comme un agneau. Ce n’est surement pas lui qui appellerait le peuple à protester un peu contre l’austérité et ce n’est surement pas lui qui voudrait se fâcher avec Monsieur le Président ! Alors, pourquoi avoir dit ça ? Même dans le camp d’Amilcar on est plutôt gêné et d’ailleurs Lelievre a tout de suite dit qu’il ne ferait pas de commentaires. Mais ce n’est pas la première fois que le président prend son monde à contre-pied. Récemment il a affirmé, à la surprise puis à l’indignation générale qu’en ces temps de rigueur et d’austérité, il ne parviendrait certainement pas à joindre les deux bouts avec sa maigre pension de 1.300 écus. Il avait sans doute oublié que cette somme, modeste il est vrai, s’ajoute aux quelque 8.700 autres qu’il touche chaque mois.