La chasse au renne de Sibérie

Viatcheslav Izvolski, surnommé le « Lingot », est un oligarque russe, un de ces milliardaires sans scrupules qui ont proliféré après le démantèlement de l’Urss. A 34 ans il est le patron du puissant Combinat métallurgique d’Akhtarsk (AMK). Il règne en dictateur sur une enclave sibérienne et en impose au gouvernement fédéral de Moscou en jouant de la puissance que lui confèrent ses milliards et son armée privée.

Dans « La Chasse au renne de Sibérie », Julia Latynina, journaliste économique de formation, brosse un tableau réaliste de la Russie postsoviétique. Un univers impitoyable, gangrené par la corruption où industriels, hommes d’affaires et politiciens collaborent avec de puissants groupes mafieux auxquels émargent d’anciens policiers ou d’ex- agents du KGB. Un monde où l’hélicoptère de guerre fait partie de l’arsenal des règlements de compte.

La jeune professeur d’histoire Irina Denissova, dont Viatcheslav Izvolski tombe amoureux, essaie de comprendre le monde qu’elle découvre à travers lui. Même si l’oligarque exerce sur elle un irrésistible attrait, il lui fait penser « à un dinosaure en tenue de ville ». «En fouillant dans son capital de lectures, elle lui trouve un parallèle : les tyrans italiens des XIVe et XVe siècles» tel «Cosme de Médicis, propriétaire de la deuxième banque de Florence qui acheta les faveurs du peuples avec les pleins pouvoirs après quoi la deuxième banque de Florence devint la première de Florence, d’Italie et d’Europe ».

Le « thriller économique » de Julia Latynina est également une analyse complète des mécanismes financiers complexes mis en œuvre par les oligarques pour consolider leur pouvoir et asseoir leur fortune. Les méthodes les plus fréquemment employées vont du blanchiment d’argent sale à la constitution d’innombrables sociétés-écrans et sociétés off-shore, principe élémentaire et généralement imparable de l’évasion fiscale.

«Mes ouvriers mangent bien, ma ville mange bien, son parc automobile est passé de douze à quarante-cinq mille voitures en trois ans. Vaudrait-il mieux que l’usine soit en plan, les ouvriers affamés, mais que je paie honnêtement tous les impôts ? », interroge Viatcheslav Izvolski.

Pour lui la réponse ne fait aucun doute. Et le lecteur, qui au fil des pages sympathise avec ce capitaine d’industrie aux méthodes peu orthodoxes, se demande s’il n’a pas raison.

La Chasse au renne de Sibérie. Julia Latynina.

 

This entry was posted in Critique, Romans and tagged , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.