La journée des travailleurs devient celle des consommateurs

En plein jour, près de 400 supermarchés discount du Galuport ont été systématiquement pillés par des consommateurs enragés qui ont vidé tous les rayons avant de renter chez eux les bras et les caddies regorgeant de produits que certains portaient dans de grandes boîtes cartons, posées en équilibre sur leur tête.

Que l’on se rassure : si tous les magasins, joliment appelés « La Goutte Douce » ont bel et bien été dévalisés, les « pilleurs » sont tous passés par les caisses y provoquant d’ailleurs de joyeuses bousculades et d’interminables files d’attente gérées tant bien que mal par des caissières au bord de la crise de nerf. En fait, il s’est agi d’un « pillage » tout à fait consenti et très bien organisé. Les milliers de personnes qui se sont précipitées ce jour la dans les magasins n’étaient pas des bandits. Ils répondaient simplement à une offre exceptionnelle et exceptionnellement alléchante : une remise de 50% pour des achats supérieurs à 100 euros.

Controverse

Il n’a pas eu de violence seulement des invectives, des bousculades et des cris de joie. Des cris de désespoir aussi de la part de ceux qui, prévenus trop tard, ont trouvé porte close, de nombreux magasins, dévalisés plus vite que prévu, ayant du fermer avant l’heure.
Mais même s’il n’y a pas eu de drame, la controverse autour de cette initiative parfaitement bien accueillie de tous ceux qui en ont profité, n’a pas manqué d’enfler car cette remise de 50% sur tous les produits quels qu’ils soient, sans précédent au Galuport et peut-être même dans le monde entier, a eu lieu un 1er mai, jour emblématique, voire même sacré, fête de tous les travailleurs qui, au moins ce jour là, sont censés avoir des préoccupations plus politiques que consuméristes.
Mais que les Galuportais aient pu rester de marbre devant une telle aubaine, aurait été pour le moins surprenant. En raison des difficultés économiques que leur pays traverse et qui ont eu pour conséquences des réductions de salaires et des hausses d’impôts, les moyens dont ils disposent pour sacrifier aux dieux de la consommation sont de plus limités. Ils risquent même, au cours des prochaines années, de diminuer encore et accentuer un peu plus un sentiment de consommateur frustré. Ainsi les stratèges commerciaux de « La Goutte Douce » misaient sur du velours sachant pertinemment que leur promotion sans précédent obtiendrait aussi un succès sans précédent.

Politique

Ce fut le cas. Reste toutefois le choix de la date. Etait-il vraiment dénué de toute arrière-pensée politique ? Le chef d’un des principaux syndicats en doute. Il y a vu surtout « une authentique provocation pour obliger les travailleurs à travailler un 1er mai ». En passant devant une « Goutte Douce » prise d’assaut, un cortège de manifestants a d’ailleurs copieusement hué les enragés de la consommation leur faisant honte de renoncer ainsi aux grands principes pour une vulgaire boite de lentilles en conserve.
Mais les commentateurs restent partagés. Un sociologue, connu pour avoir évolué du communisme au libéralisme, a qualifié l’initiative de « géniale » estimant qu’elle donnait enfin au 1er mai sa véritable dimension de fête du consommateur, puisque, a-t-il dit,  « on travaille pour consommer ». Un autre observateur l’a au contraire vivement critiquée pour avoir transformer les gens en « cobayes d’une opération commerciale » et les avoir amené par la même occasion à « boycotter le 1er mai ».
Quant au patron de la « Goutte Douce », célèbre pour avoir transféré il y a quelques mois le siège de son entreprise en Hollande afin de payer moins d’impôts, il s’en est tout simplement lavé les mains. « Je n’étais pas au courant », a-t-il affirmé.

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